Pascal Bizindavyi: le bâtisseur de paix qui a transformé la douleur en espoir

Pascal Bizindavyi grandit au Burundi dans un contexte marqué par les violences interethniques des années 1993-1994. Ces événements tragiques, qu’il observe dès son plus jeune âge, forgent son engagement précoce pour la paix. Très tôt, il choisit de devenir un porteur d’espoir pour un lendemain meilleur, promouvant le vivre-ensemble et la réconciliation.

Il effectue ses études secondaires au Lycée de Rusengo, dans la Section Scientifique B, qu’il termine seul en 1994. Loin de l’arrêter, cette solitude scolaire devient pour lui le catalyseur d’un engagement personnel et citoyen. Il poursuit ensuite des études supérieures en Sciences Agronomiques (FACAGRO) à l’Université du Burundi puis intègre le Ministère de la Promotion de la Femme et de l’Égalité des Genres comme Coordonnateur Provincial du Centre de Développement Familial (CDF) de Ruyigi. Dans cette fonction, il réconcilie plus d’une centaine de familles en conflit, prenant conscience que la paix durable commence au sein des foyers et des communautés locales.

Dès l’école primaire, une figure l’inspire profondément : Nelson Mandela. L’histoire du leader sud-africain, capable de transformer la haine en réconciliation, devient pour Pascal une boussole morale. Comme Mandela, il croit que la paix ne se construit pas seulement avec des mots, mais par des actions concrètes et inclusives.

SOPADI : un rêve devenu organisation internationale

En 2007, après treize années de maturation de son idée, Pascal fonde l’Association Solidarité pour la Paix et le Développement Intégré (SOPADI). Son objectif initial est clair : restaurer la paix entre Burundais pour rendre possible le développement. La pauvreté, qu’il identifie comme la cause profonde des conflits, devient le fil conducteur de ses actions.

Pascal Bizindavyi, coordonateur de SOPADI

SOPADI développe rapidement des projets dans divers domaines : protection, éducation, WASH, sécurité alimentaire, entrepreneuriat et santé. Les projets phares ciblent la sécurité alimentaire, l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes, et la protection des femmes et filles. Ces actions répondent directement aux inégalités de genre et aux violences basées sur le genre (VBGs) observées au Burundi et en République Centrafricaine.

En 2019, une mission de consultance en Centrafrique lui révèle l’ampleur des besoins en matière de paix et de sécurité sur tout le territoire national. Motivé, il obtient l’agrément de SOPADI comme ONG internationale en octobre 2019. Dès juin 2020, l’organisation décroche son premier financement et lance des actions concrètes : construction et réhabilitation de plus de 10 infrastructures publiques, appui à la scolarisation de 6 692 enfants grâce au matériel scolaire, et relance d’activités éducatives dans un pays fragilisé par la crise.

Parmi les initiatives les plus emblématiques de SOPADI figure le projet Femmes Lumières UMUCO W’AMAHORO”, visant à placer la femme au cœur de la paix. Il s’agit de réduire les déséquilibres de pouvoir homme-femme, d’accroître la participation des femmes dans la prise de décisions et la résolution des conflits, et de lutter contre les VBGs.

Les témoignages illustrent l’impact concret du projet sur la lutte contre les VBGs : une Femme Lumière confie : « Je ne savais pas que mon rôle pouvait aller au-delà de la sensibilisation. Maintenant, je sais comment orienter une survivante vers les soins de santé ou la justice. » Même des policiers ayant suivi la formation reconnaissent : « J’ai appris l’importance de la patience et de l’écoute envers les survivantes. »

Vision et héritage : bâtir la paix de demain

Les défis sont nombreux. Les barrières culturelles persistent : certaines mentalités continuent de considérer la femme comme un être de second rang, et le financement des projets reste limité. Mais Pascal Bizindavyi continue à croire en la transformation progressive de la société.

Pascal Bizindavyi, coordonateur de SOPADI

Depuis sa création, SOPADI a formé plus de 1 000 jeunes à la résolution pacifique des conflits dans l’ancienne province de Bujumbura entre 2011 et 2014, contribuant à restaurer la paix et la sécurité dans cette région. Plus de 150 000 arbres forestiers et 50 000 arbres agroforestiers ont été plantés sur la colline CARAGATA pour lutter contre l’érosion et protéger les cultures. 840 Femmes Lumières et 160 hommes ont été formés sur la Résolution 1325 des Nations Unies, la lutte contre les violences basées sur le genre (VBGs) et le leadership, devenant des piliers de développement sur leurs collines.

Le rôle des femmes dans la consolidation de la paix est aligné avec les directives internationales : la Résolution 1325 (2000) insiste pour que les femmes soient représentées à tous les niveaux de prise de décisions dans la prévention, la gestion et le règlement des conflits. La Résolution 1820 (2008) demande instamment d’inviter les femmes à participer aux débats sur la prévention et le règlement des conflits, le maintien de la paix et la consolidation de la paix post-conflit. SOPADI place donc la femme au centre de ses actions, conformément aux standards internationaux et à la politique nationale genre 2012-2025, ainsi qu’aux Objectifs de Développement Durable 5 et 10 sur l’égalité des sexes et la réduction des inégalités.

En Centrafrique, SOPADI a réhabilité plus de 10 infrastructures publiques et appuyé la scolarisation de 6 692 enfants.

Pour les 10 prochaines années, Pascal envisage SOPADI comme une organisation régionale, centrée sur la consolidation de la paix et le développement, avec un accent particulier sur l’entrepreneuriat des femmes et des jeunes. L’ONG aura construit son siège au chef-lieu de la commune Ruyigi et une antenne à Bujumbura. Le projet Femmes Lumières UMUCO W’AMAHORO, qui sera clôturé en décembre 2025, continuera à encadrer les 840 Femmes Lumières sur toutes les anciennes collines des communes de Butaganzwa et Gisagara. Sur chaque colline, 14 Femmes Lumières continueront à jouer un rôle stratégique de cohésion sociale, de consolidation de la paix, de lutte contre les VBGs et de développement local.

Pascal Bizindavyi adresse un message fort aux jeunes africains : « Refusez de suivre les personnes mal intentionnées qui propagent la haine et les divisions. Défendez toujours la paix, car sans paix, il n’y a pas de développement possible. »Pour lui, bâtir une paix durable et un développement inclusif est une responsabilité collective, qui commence par l’engagement de chacun à protéger la cohésion sociale et le vivre-ensemble.